Ce 18 juin, étant de repos, Jean-Baptiste DURAND revenait
d’aller voir sa fille, Marie-Thérèse, en nourrice, chez M. et Mme Jean
GOVIGNON, fermiers aux Beugnants, à Saint-Plaisir. Ceux-ci lui avaient offert
de rester dîner mais il avait gentiment refusé et était retourné à Bourbon
l’Archambault. Son sort s’est joué sur ce refus.
Témoignage de Mme Jacqueline
QUILLIER-JANOT, fille d’Emile QUILLIER.
« Je tiens à préciser que
nos parents étaient des résistants de la première heure, qu’ils ont pris une part
très active à la résistance, et qu’ils ont, jusqu’à l’arrestation de mon père,
toujours abrité des résistants.
A 20 heures, nous, parents et
enfants QUILLIER, accompagnés d’un Polonais et d’un Anglais, parachutés de
Londres quelques mois auparavant, nous dirigeons par l’allée centrale du Casino
des Thermes, vers le cinéma. A hauteur de l’hôtel des Thermes, notre attention
est attirée par des cris venant de deux autos, deux jeunes sont campés sur les
marchepieds, armés de mitraillettes.
« Le maquis »
murmure-t-on parmi les promeneurs.
Les voitures tournent sur la
place des Trois Puits. Nous attendons … « Ils sont chez les QUILLIER
… »
Une brève concertation entre
les hommes : « Ce n’est pas le maquis ! C’est peut-être la milice ».
Notre père décide alors que les
deux résistants qui assurent la liaison du maquis avec Londres, à l’aide de
deux postes émetteurs, doivent partir immédiatement vers l’église où un prêtre
polonais peut les aider. La famille QUILLIER leur donne une heure pour se
mettre hors d’atteinte ; au bout d’une heure, ils retourneront vers leur
domicile.
La maison des trois Puits est
investie. Les Bourbonnais s’attroupent à l’écart mais n’osent interpeller ceux
qu’ils prennent pour des maquisards parmi lesquels ils ne reconnaissent aucun
visage familier. Louis PEROZ
et Jean-Baptiste DURAND décident, dans un élan patriotique louable, de se
mettre à la disposition du maquis (il faut bien se rappeler que le débarquement
a eu lieu depuis le 6 juin et que les maquisards sont très actifs). A partir de
ce moment là, L. PEROZ et J-B. DURAND sont toujours suivis par les miliciens.
Ceux-ci se renseignent de l’endroit où ils peuvent trouver les QUILLIER qui ne
sont pas chez eux.
Au parc, où L. PEROZ et J-B.
DURAND nous ont rejoints, nous sommes sous surveillance et ne pouvons plus
espérer partir. Notre père essaie de dire à L. PEROZ de se sauver, s’il en est
encore temps, mais il ne comprend pas.
Les miliciens qui fouillent la
maison, ont, bien sûr, découvert les deux postes émetteurs dont se servaient
les deux résistants pour assurer la liaison avec Londres. Ils arrêtent J-B.
DURAND, L. PEROZ et la famille QUILLIER, les amènent à l’hôtel des Sources, où
les interrogatoires commencent pendant que la fouille continue.
Entre temps, un camion allemand
est arrivé. Dans les salons de l’hôtel, nous sommes fouillés ainsi que les
clients présents et gardés par des hommes en armes. Parmi ces clients, se
trouvent deux juifs : Pierre WILDENSTEIN et Alain (Alejzy) EHRLICH (ancien
champion du monde de ping-pong) qui rentre d’un match à Toulouse.
Nos parents nient connaître
l’existence des postes, ce qui ne peut convaincre les Allemands.
Après avoir déménagé
argenterie, meubles de valeur, argent (il y avait une grosse somme destinée au
maquis), les miliciens et les Allemands arrosent la maison d’essence et y
mettent le feu. Ils restent là à accomplir leur forfait ne laissant pas
approcher les pompiers venus éteindre l’incendie.
L. PEROZ, J-B. DURAND, mon
père, les deux juifs, sont invités sans ménagement à monter dans le camion et
vont rester là à regarder brûler la maison. Le camion prend ensuite la
direction de Moulins. Ils sont internés à la prison de la Mal Coiffée où ils
seront interrogés et martyrisés.
Compte-rendu du commandant LEFEVRE, commandant la section
de Montluçon, sur l’arrestation par la police allemande du gendarme DURAND de
la brigade de gendarmerie de Bourbon l’Archambault :
« Le 18 juin 1944 entre 20
et 24 heures, des opérations de police ont été effectuées par les autorités
allemandes à Bourbon l’Archambault. Au cours de celle-ci, le gendarme
Jean-Baptiste DURAND de la brigade de cette localité a été arrêté par la police
allemande et conduit ainsi que d’autres civils à Moulins …
Cette
arrestation n’a été connue que le 19 juin vers 11 heures, au moment du
rassemblement des militaires de la brigade en cours de départ pour le regroupement
de Moulins-La Madeleine.
Le
commissaire des Renseignements Généraux de Moulins-La Madeleine a été avisé de
cette arrestation. Il en a informé le Préfet de l’Allier. Le lieu de détention
du gendarme DURAND n’a pu encore être découvert. Des recherches sont actuellement
faites à Moulins. »
L’action des miliciens aurait été décidée suite à des
indiscrétions ayant indiqué que la famille QUILLIER détenait de l’argent
destiné au maquis. Les deux personnes responsables ont été identifiées à
l’automne 2004.