Aujourd’hui je peux donner
l’itinéraire du sinistre convoi qui nous transporta à Buchenwald.
Le voyage fut long et dur,
chaque détenu avait reçu comme nourriture un pain de 3 livres et quelques
biscuits de guerre moisis, au départ de Moulins. A Paray le Monial nous sommes
restés trois jours immobilisés en pleine gare, toutes les voies étaient
coupées. Si les sabotages pour nous étaient cause de joie, attaques du maquis
et attaques aériennes ne nous furent pas épargnées au cours de ce voyage vers
l’Allemagne ; voyage qui fut un véritable calvaire.
Nous étions 55 par wagons sans
compter les deux geôliers boches, il nous était impossible de nous allonger la
nuit, ni même de bouger, à peine avions nous la place de nous accroupir, un
récipient hygiénique pour tous et une fois plein, le contenu débordait sur nous
et s’étalait sur le plancher du wagon. C’est grâce à la Croix Rouge de
Besançon et à la population que nous reçûmes quelques vivres qui nous
apportèrent un peu de réconfort. La plus grande partie du ravitaillement allait
à nos gardiens. Nous ne risquions pas de nous échapper ; notre convoi
comprenait une vingtaine de gardiens de la « Mal Coiffée », une
dizaine de SS armés de fusils mitrailleurs, quelques Allemands et quelques
miliciens qui comme Laval, souhaitaient la victoire de l’Allemagne.
Pendant les arrêts de longue
durée, toute la garde était en alerte, ceinturant le train d’un réseau d’armes
automatiques ; la nuit venue, l’on cadenassait nos wagons. Vous ne pouvez
imaginer par quelles angoisses nous sommes passés, surtout lorsque le train était
attaqué par des avions. Nous étions enfermés et pendant les alertes, nos
geôliers se tenaient à bonne distance (200 mètres environ),
pour garder le train, au cas, très improbable, où nous eussions pu nous
échapper, en cas de bombardement ou d’incendie du convoi.
Le premier septembre, nous
sommes arrivés à Belfort, la gare était comblée de militaires et civils
allemands et français (soi-disant), car c’étaient des miliciens attendant les
trains pour les conduire au pays de leurs chefs : HITLER et HIMMLER. Les voies
ferrées étaient coupées, les dépôts de la gare bombardés, plus de machines pour
aller plus loin, nous sommes descendus des wagons, frappés à coups de crosse de
fusils, l’on nous a dirigé dans une caserne où nous avons rejoint des centaines
de détenus des précédents convois. Nous sommes repartis le 5 septembre,
toujours dans les mêmes conditions de voyage, dans un convoi de 1700 détenus,
convoi n°459, en direction de l’Allemagne nazie. »
De ce convoi, seuls 170 français et 6 étrangers sont
entrés à Buchenwald, les autres devaient être des jeunes raflés pour le STO. L.
PEROZ et G. JABEAUDON donnent le même chiffre.
« Voici le respect à la parole donnée, voici les
promesses respectées de nos geôliers au départ de Moulins ; mais nos
gardiens avaient fait promesse à leur chef de nous livrer aux bourreaux du camp
de Buchenwald, le 10 septembre. »
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