Ceci est un témoignage rendu ensouvenir des dernières semaines de la vie de mon grand-père.

Son « sort s’est joué »sur un enchaînement de mauvais concours de circonstances :

En refusant une invitation à dîner le 18 juin 1944, En ne faisant pas parti des 300 détenus libérés de la prison de la Mal Coifféeentre les 20 et 23 août,

En prenant le dernier train qui évacuera les 64 derniers internés de la MalCoiffée dans la nuit du 24 au 25 août à destination de Buchenwald, où ilarrivera le 10 septembre,

En décédant le 4 mars 1945, 38 jours avant la libération du camp de concentration deBuchenwald.

La Mal Coiffée, du 19 juin au 24 août 1944


De par leur confession, Messieurs EHRLICH et WILDENSTEIN sont séparés des autres prisonniers. Ils sont transférés de la Mal Coiffée, prison allemande, à Drancy, où ils arrivent le 15 juillet 1944 comme l’attestent les copies des reçus issus des carnets de fouille à l’entrée du camp[1] et le registre des entrées qui note pour ce jour-là 54 entrées en provenance de Vichy[2].

La fiche d’Alain ou plutôt d’Alejzy EHRLICH mentionne qu’il habite à Bourbon l’Archambault et qu’il a déposé une somme de 8640 francs, acte obligatoire à son entrée dans le camp. Son nom figure sur la liste des déportés du convoi n°77 du 31 juillet 1944, dernier grand départ de Drancy composé de 1300 personnes dont plus de 300 enfants de moins de 18 ans à destination d’Auschwitz[3]. Cette liste précise qu’il serait né le 1er janvier à Komancya ou Komancza, ville de Pologne située à proximité de la frontière avec l’actuelle Slovaquie et à moins de trois cents kilomètres d’Auschwitz.

Concernant Pierre WILDENSTEIN, sa fiche indique qu’il est domicilié à Saint Hilaire et qu’il disposait à son entrée à Drancy de 4390 francs. En revanche, son nom n’apparaît pas sur la liste du convoi n°77, mais il est considéré comme rescapé de ce convoi.

Tous deux font partie des 214 survivants de ce transport.

D’ailleurs, à leur libération, Pierre WILDENSTEIN rentre s’installer à Bourbon l’Archambault et en 1946, il est membre de l’association « Ceux de la Mal Coiffée » dont le bulletin-annuaire précise qu’il est employé dans cette ville et qu’il habite rue Archambaudière[4].

 

            Emile QUILLIER, Jean-Baptiste DURAND et Louis PEROZ sont, quant à eux, déportés par le dernier train qui évacue le personnel de la prison de la Mal Coiffée et 64 derniers internés soit disant pour les protéger.

M. Georges JABEAUDON de Chamblet effectue, dans le même wagon qu’eux, le trajet vers Buchenwald. Et voici son témoignage raconté par lui-même à son retour en 1945[5] :

« Vers le 20 août, les prisonniers apprirent qu’il n’avait presque plus de gardiens autour de la prison, une lueur d’espoir de pouvoir sortir, nous incita à braver nos oppresseurs. A la chambre 16 de la Mal Coiffée s’organisa la rébellion, c’est notre camarade Marcel HUGUET, un parisien patriote de 22 ans qui activa la libération de plus de 300 détenus. Par son sang-froid et son énergie, il demanda à l’adjudant-chef la libération totale et immédiate de tous les détenus. Les boches ne se sentant pas très forts à Moulins et la peur des Mackiss-terroristes (et peut-être incapable d’assurer le transport de plus de 408 détenus selon Mme MONCEAU) les obligea à accepter la libération. Celle-ci s’échelonna sur 3 jours et le 23 août, les portes se refermèrent sur 64 prisonniers, hommes, femmes et même un enfant de 7 ans. Nous étions donc des otages.

Dans la nuit du 24 au 25 août, nous étions brutalement réveillés pour être embarqués dans un train venant de Nevers à la gare de Moulins. Là encore, nous pouvions juger l’hypocrisie des boches quand ils nous disaient : « Vous nous accompagnez jusqu’à la frontière pour préserver notre convoi et ensuite, l’on vous accordera votre liberté. »

Quelques-uns le croyaient encore, vain espoir, nous nous encouragions les uns les autres, nous nous disions : nous ne passerons pas, les voies sont coupées, le maquis attaquera peut-être le convoi ; tant et si bien que le train de la mort s’ébranla pour une destination inconnue.

Sans se faire apercevoir de nos gardiens nous adressions des adieux aux Moulinois qui regardaient partir le sinistre convoi avec les yeux pleins de tristesse et de rage. Ils pensaient : « Les boches s’en vont, quelle joie, mais ils emmènent leurs victimes ».  C’était nous des français, des patriotes.



[1] Centre de Documentation Juive Contemporaine, copies des reçus des carnets de fouilles comportant les sommes d’argent confisquées à A. EHRLICH et P. WILDENSTEIN à leur arrivée.
[2] Le calendrier de la persécution des Juifs en France 1940 – 1944, Serge KLARSFELD, édité par l’association « Les fils et Filles de Déportés Juifs de France » et « The Beate Klarsfeld Foundation », Paris, 1993, p.1054.
[3] Centre de Documentation Juive Contemporaine, copie de la liste originale du convoi de déportation n°77 du 31/07/1944.
[4] Bulletin-Annuaire 1946 « Ceux de la Mal Coiffée », p.20
[5] Dans les camps de la mort, Buchenwald-Ziesberg, Georges JABEAUDON, 1945, p15 à 18.

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